Commentaire des lectures du 13 mars 2022

D'où venait cette clarté mystérieuse qui envahissait le visage et les vêtements du Christ transfiguré ? Jésus était en prière, précise Luc. Cette prière était une lumineuse rencontre.

Rencontre avec le Père

Sur le Thabor, la lumière de la résurrection a brillé sur le visage de celui qui déjà était en marche vers la défiguration de la Passion. Pierre, le patron pêcheur de Galilée qui avait pourtant la tête sur les épaules, a quasiment déliré en réclamant trois tentes pour installer cette vision et s'y installer lui-même !

Luc précise que Jésus était en prière : il rencontrait le Père dont la nuée qui les enveloppait indiquait la présence.

La prière véritable est un rendez-vous avec le Dieu vivant, dans un dialogue parfois sans paroles, dans la simplicité où Dieu se révèle aux humbles.

Prier devient alors une source de force, de paix et d'amour. Elle devient lieu d'Alliance, comme pour Abraham dont le sommeil mystérieux n'était autre que l'état étrange et bouleversant où l'homme se trouve en phase avec Dieu.

Rencontre avec des frères

La transfiguration de Jésus était aussi une conversation de priants. "Deux hommes s'entretenaient avec lui." Moïse avait reçu la révélation du Nom de Dieu au cours d'une extraordinaire conversation avec Dieu au buisson ardent. Elie, le rude prophète, avait aussi rencontré Dieu quand il s'était tenu sur la montagne.

Un vrai priant n'est jamais seul. La prière met en communication avec les autres. Elle transfigure le regard pour parvenir à les aimer au-delà de ce qui les défigure. Elle porte secrètement les présents ou absents et les rejoint dans le cœur de Dieu. Le priant est un avocat pour ses frères.

Rencontre avec soi-même

Celui qui prie entre dans une épreuve de vérité où sa vie est mise à nu, car il ne lui est plus possible de garder ses masques. Alors, dans le dépouillement de ses faux-semblants, il découvre le regard d'amour que Dieu pose sur lui. Il est accueilli comme le publicain de la parabole.

Prier en vérité transfigure la grisaille du quotidien et fait regarder différemment les soucis, les travaux, les bonheurs, les épreuves, les grandeurs et les faiblesses. Celui qui prie voit sa vie autrement...

Et si nous étions en manque de prière ?

1re lecture : Gn 15,5-18

Abraham est comblé de biens, mais il n'a pas d'enfant. Dieu Lui promet une descendance innombrable. Bien qu'Abraham n'ait aucune preuve, il a foi dans le Seigneur, il lui fait confiance.

À l'époque d'Abraham, les Alliances ne se concluaient pas dans un bureau, mais par des rituels plutôt sanguinolents. Cependant, l'important, ce sont les promesses que Dieu fit à Abraham, car elles ont ouvert un avenir.

Dieu n'est pas resté dans u n lointain inaccessible, mais il s'est fait notre prochain par son Fils Jésus. Pour y parvenir, il s'est fait connaître personnellement à l'humanité, en procédant par étapes. Cette progression commence par la rencontre avec un certain Abraham, qu'il n'était au début qu'un immigré vagabond.

Dieu s'est lié avec lui en s'engageant par trois promesses : une présence ("je serai avec toi"), une descendance, une terre. En choisissant un couple stérile pou r commencer l'aventure du salut, Dieu manifestait qu'il allait intervenir lui-même pour donner à ce couple une postérité, donc engendrer en eux une nouvelle humanité, comme cela se fera de manière plus évidente encore pou r la naissance de Jésus.

2e lecture : Ph 3, 17; 4, 1

Saint Paul rappelle aux Philippiens que les chrétiens n'appartiennent pas au monde : ils sont citoyens du Royaume des cieux et Le Christ transformera leur corps mortel à l'image de son corps de gloire.

L'espérance chrétienne nous tourne vers l'avenir. Dieu nous a déjà beaucoup donné, mais il fera encore mieux, au fur et à mesure que nous progressons sur le chemin de la résurrection avec Jésus.

L'Apôtre énumère plusieurs éléments de l'identité chrétienne : être citoyen des cieux, orienter toute son existence vers le retour de Jésus, reconnu comme sauveur, attendre de Dieu la plénitude de la résurrection. Paul nous avait déjà entretenus de cette espérance pendant les dimanches de février. Il la résume en quelques mots: nous faisons l'amère expérience de la déchéance physique, inévitable, mais le Christ nous promet, au contraire, par sa parole et plus encore par son exemple, une transfiguration, à l'image de son corps glorieux. Sa puissance est à l’œuvre, c'est-à-dire l'Esprit Saint, force de vie qu'aucune puissance ne peut détruire. L'Apôtre nous indique aussi le chemin : prendre exemple sur les disciples du Christ, qui eux-mêmes ont eu à cœur d'imiter le seul Maître.

Evangile : Lc 9, 28-36

Au début du Carême, cet évangile anticipe déjà la victoire de Pâques : Les trois disciples entrevoient la gloire de Jésus ressuscité ; et nous, si nous écoutons Le Fils et Le suivons, la même gloire nous attend au bout de notre pèlerinage sur La terre.

Au Sinaï, la Loi avait été donnée à Moïse dans les éclairs. Sur la montagne de la transfiguration, l'ambiance est tout aussi lumineuse, mais plus paisible, Jésus y est présenté comme la nouvelle Loi, une Parole vivante.

L'Évangile selon saint Luc indique le sujet des entretiens de Jésus avec Moïse et Elie lors de la transfiguration: "Ils parlaient de son départ", ou plus exactement, "de son exode". A tous les moments de sa montée vers Jérusalem, depuis les débuts, dans ses actes et ses paroles, Jésus se réfère sans cesse à l'expérience primordiale de l'Exode, lorsque Dieu avait manifesté un tel amour paternel pour son Peuple qu'il l'avait fait sortir du pays de l'esclavage et l'avait conduit vers la Terre promise, en prenant soin de lui, en l'instruisant, en le nourrissant, en le guérissant. Jésus, nouveau Moïse, refait ce chemin, et c'est pour nous entraîner vers la nouvelle Jérusalem, le lieu de l'Exode décisif, celui de la Pâque. Notre Carême est un nouvel Exode, un chemin de résurrection.